Par Daniel Zenner
Cette année, l’automne a succédé rapidement à l’été. Les petites feuilles des grands hêtres ont à peine eu le temps de se parer de leurs couleurs si vives que déjà les premiers flocons venaient caresser le sol. C’est bien la première fois depuis dix ans que l’érable sycomore du bord de l’étang possède encore la plupart de ses feuilles rousses et rouges alors qu’il a gelé à pierre fendre cette nuit.

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L’automne, saison mélancolique, clôt l’année presque passée. Il ne reste qu’un novembre bâtard et un mois de décembre placé sous la frénésie de Noël avant d’entamer un long hiver. Ma saison préférée est passée trop vite cette année: elle m’a à peine laissé le temps de cueillir l’églantine et la prunelle, de ramasser les trop rares champignons, de remplir mes paniers de châtaignes, de pommes, de pêches rouges, de noix et de coings. 
Mais où sont donc passées les brumes et les pluies d’automne? 

La fin de l’automne est aussi le temps des cochonnailles et donc des boudins. Chaque année, quand toutes les feuilles gisent à terre, quand les mouches ne se réveilleront plus avant quelques mois, le « Monsieur » passe de vie à trépas. Le boudin noir est la charcuterie fraîche la plus noble offerte par le roi des animaux domestiques. 

Sa fabrication est réalisée dans toutes les campagnes françaises, même si les recettes changent d’une ferme à l’autre, d’une région à l’autre, et même d’une époque à l’autre car la grande préoccupation de nos contemporains gastronomes est la « nouvelle diététique », celle qui diabolise le mauvais gras avec lequel notre espèce existe et prospère pourtant depuis plusieurs millions d’années. Le taux du « mauvais cholestérol » n’a cessé de baisser depuis quelques décennies. Ce qui fait les choux gras des grandes firmes pharmaceutiques qui vendent chaque jour des centaines de millions de pilules aux choléstéroliques dépités… 

Nos boudins, exemple type de la richesse en « mauvais gras », sont une mine de cette substance tant décriée, et pourtant nécessaire à la survie de notre espèce. Soyons sérieux! Les boudins engendrent sûrement moins de décès que les belles pilules faisant baisser le cholestérol, et suspectées de créer un diabète !

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Tout est dans la mesure. Une alimentation variée est la clé d’une bonne santé. Dévorez des produits frais et de saison! Et arrêtez de culpabiliser en mangeant. Dépensez vous physiquement. Mangez moins de viande, mais de la bonne. Stoppez net la consommation des sodas, des biscuits apéritifs, des plats préparés surgelés, des boites de conserves; des confiseries, des pains, des pâtisseries et des charcuteries industrielles, des aliments de la quatrième gamme, des soupes en sachets… Cuisinez que Diable! 

Et mangez du boudin, car la saison a débuté. Allez l’acheter auprès de votre artisan boucher-charcutier si vous ne savez pas le faire vous-même. 
Imaginez autrefois… presque chaque Alsacien élevait son cochon au fond de la basse-cour. Celui-ci était source de richesse et de subsistance pour l’hiver. Le gras bien blanc de panne ainsi que le noble saindoux étaient source de vie, d’énergie et de gourmandise. 

 

 

C’est notre bon Charlemagne qui a encouragé l’élevage du porc en nos contrées. Au quatorzième siècle, les alsaciens importaient déjà nombres de cochons des régions voisines. A cette même époque le célèbre médecin Maugue écrivait « que la viande fraiche ou salée du cochon faisait la principale nourriture des alsaciens ». Les tueurs de porc, les saleurs et les charcutiers formaient alors une des vingt tribus de métier de la ville de Strasbourg. Elle tenait le septième rang. 

En 1508, le cochon « importé « en Alsace provenait essentiellement de Lorraine. Sous Louis XIV, le droit de glandée fût établi, mais les animaux trop nombreux causaient des dégâts irréversibles dans les forêts. Des concessions furent ouvertes. Ce n’est qu’en 1827 que le code forestier ne permit plus le libre accès aux porcs dans le domaine public. 
Les religions ont toutes un point commun: elles sanctionnent et codifient en chaire les plaisirs de la chair et celles de la bonne chère, en fait, les principales sources de plaisirs sur terre! La succulence des chairs exquises du roi cochon n’a pas échappé à cette règle. Interdiction formelle de toucher ou de consommer l’animal dit « répugnant » dans la religion musulmane, bouddhiste, taoïste, juive, et j’en passe. Chez les adorateurs de la Thora il y a un double interdit: celui de ne pas consommer du porc et du sang: voilà notre boudin noir diabolisé! Chez les témoins de Jéhovah, point d’histoires de transfusion sanguine, point de boudin noir: le sang est substance sacrée. 
Et chaque année, vous allez rire, je tue le cochon avec un ami qui est témoin de Jéhovah! Il n’a pas le droit de consommer le boudin noir mais c’est lui qui saigne le brave cochon qu’il a élevé!

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Le boudin blanc maintenant. Il se nomme ainsi à cause de sa forme, car il est endossé dans le même menu de porc que son frère noir. Je suis nostalgique de deux boudins blancs: celui qui était vendu dans les années 1975 dans une boucherie-charcuterie de Colmar, aujourd’hui disparue, et que ma mère cuisinait pour le jour de Noël. Puis celui de Feu Lucien Bringel, ami installé à Guewenheim. Il le réalisait pour Noël, avec du foie gras et des morilles. Il a emporté sa recette, là où l’on ira tous, sacré Lucien! 

Le boudin blanc de l’avent que je vais réaliser avec Jean Marc, je veux qu’il m’offre les sensations gustatives et nostalgiques de mes deux boudins blancs perdus. Mon Graal charcutier en quelque sorte! 

Des oignons blancs confits dans le meilleur saindoux (Jean Marc sait où le trouver…), de la belle viande de porc, du bouillon de tête et de pieds, je ne sais pas encore, de la mie de pain au lait, de la crème fraiche, des épices moulues minute (poivre blanc, macis), et du foie gras. Au moins quinze pour cent qu’on se le dise! Du foie gras que l’on doit sentir en bouche, tant par son gôut suave et riche, que par sa texture grain de blé… 

Et je regarderai fasciné, émerveillé comme un enfant gourmand, la naissance des boudins blancs jaillissants vivants à la sortie du poussoir.

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Comment vais-je déguster ces boudins blancs de l’Avent ? 
Comme Jean Marc me l’a appris: il faut ôter délicatement le boyau puis dorer doucement ce saucisson devenu ainsi sans peau, dans une belle quantité de bon beurre frais. 

Ces boudins, il n’y en aura pas pour tout le monde. J’en ai déjà réservé la moitié pour mes besoins personnels, pour les amis, pour revivre des vrais goûts, pour fêter le plaisir de se sentir exister, pour braver les interdits des religions, pour narguer le Dieu cholestérol. L’autre moitié sera en vente dans la Boucherie-Charcuterie- Traiteur de la famille Keller à Bischoffsheim à partir du mardi 22 novembre 2016. 

Et je regarderai fasciné, émerveillé comme un enfant gourmand, la naissance des boudins noirs et blancs jaillissants vivants à la sortie du poussoir. 

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Le boudin blanc maintenant. Il se nomme ainsi à cause de sa forme, car il est endossé dans le même menu de porc que son frère noir. Je suis nostalgique de deux boudins blancs: celui qui était vendu dans les années 1975 dans une boucherie-charcuterie de Colmar, aujourd’hui disparue, et que ma mère cuisinait pour le jour de Noël. Puis celui de Feu Lucien Bringel, ami installé à Guewenheim. Il le réalisait pour Noël, avec du foie gras et des morilles. Il a emporté sa recette, là où l’on ira tous, sacré Lucien! 

Le boudin blanc de l’avent que je vais réaliser avec Jean Marc, je veux qu’il m’offre les sensations gustatives et nostalgiques de mes deux boudins blancs perdus. Mon Graal charcutier en quelque sorte! 

Des oignons blancs confits dans le meilleur saindoux (Jean Marc sait où le trouver…), de la belle viande de porc, du bouillon de tête et de pieds, je ne sais pas encore, de la mie de pain au lait, de la crème fraiche, des épices moulues minute (poivre blanc, macis), et du foie gras. Au moins quinze pour cent qu’on se le dise! Du foie gras que l’on doit sentir en bouche, tant par son gôut suave et riche, que par sa texture grain de blé… 

Et je regarderai fasciné, émerveillé comme un enfant gourmand, la naissance des boudins blancs jaillissants vivants à la sortie du poussoir.

Par Daniel Zenner